Le faute inexcusable de l’employeur
Il s’agit d’une notion jurisprudentielle jamais définie par le législateur, lequel n’aborde que ses conséquences indemnitaires au sein de l’article L452-1 et suivant du Code de la sécurité sociale :
« Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ».
En 1941, à travers une décision de la Chambre Sociale du 15 juillet 1941, arrêt « Villa », la Haute juridiction a donné une première définition de la faute inexcusable, laquelle s’entendait comme « une faute d’une particulière gravité, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait avoir son auteur », ainsi que de l’absence de disposition destinée à y remédier.
Par la suite, l’évolution jurisprudentielle permettra de définir les 2 critères de la faute inexcusable de l’employeur :
La conscience du danger que l’employeur avait ou aurait dû avoir
L’absence de mesure pour prévenir le salarié de ce danger
La faute inexcusable a donc pour cause un manquement de l’employeur à son obligation générale de sécurité (Article L4121-1 du Code du travail), qui a eu pour conséquence, soit un accident du travail, soit une maladie professionnelle.
Cette obligation de sécurité de résultat a pour origine le contrat de travail, et engendre donc pour l’employeur une responsabilité contractuelle.
Portée de l’obligation de sécurité portant sur l’employeur :
Initialement, il s’agissait d’une obligation de sécurité de résultat, et la survenue du dommage matérialisée, de façon presque systématique, la faute inexcusable de l’employeur.
A compter d’un arrêt de la Chambre Sociale dit « Air France », du 25 novembre 2015, la Haute juridiction a considéré qu’il s’agissait d’une obligation de moyen renforcée, ce qui permet à l’employeur de mettre en place une défense visant à échapper à sa responsabilité, en démontrant qu’il a mis en œuvre des moyens de sécurité et prévention du risque suffisants.
L’employeur doit ainsi démontrer l’efficacité de ces mesures pour prévenir le risque.
Procédure aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur :
Ce contentieux relève de la compétence exclusive du Pôle Social près le Tribunal Judiciaire.
Un préalable de conciliation est nécessaire avant de saisir cette juridiction. Le salarié victime, ou ses ayants droit, doit, seul ou par l’intermédiaire de la CPAM, engager une procédure de conciliation avec l’employeur. Si la Caisse refuse, ou que l’employeur ne donne pas suite, le salarié peut alors saisir la juridiction.
Le salarié a également la possibilité d’engager une action pénale en parallèle, lorsque l’employeur a méconnu une règle de sécurité ou de prudence imposé par la loi ou les règlements. La décision pénale aura alors autorité sur la décision du pôle social (en vertu du principe « le pénal tient le civil en l’état »). Il convient de préciser que le Pôle social n’a pas l’obligation de surseoir à statuer dans l’attente de la décision pénale.
Il est à noter qu’une reconnaissance de culpabilité par la juridiction pénale de l’employeur entrainera la reconnaissance de sa faute inexcusable devant le Pôle social.
Sur la procédure devant le Pôle social :
Le salarié doit démontrer la faute inexcusable de son employeur. Il doit rapporter la preuve que ce dernier avait conscience du danger, et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir.
Le délai de prescription est de 2 ans à compter (L431-2 CSS) de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.
Ce délai de prescription peut être interrompu par la mise en œuvre d’une action pénale, ou la mise en œuvre d’une procédure de conciliation ou d’indemnisation complémentaire.
Conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable :
La conséquence de cette reconnaissance est l’indemnisation du salarié. Le montants peuvent s'avérer très importants et très lourd à supporter pour l'employeur.
L’indemnisation peut prendre 3 formes :
La majoration de la rente versée par la CPAM à son maximum §montant du salaire annuel en cas d’incapacité totale)
Indemnisation des préjudices fixée à l’article L452-3 CSS (souffrances endurées, préjudices esthétique, préjudice d’agrément, perte/diminution des possibilités de promotion professionnelle)
L’indemnisation complémentaire de l’intégralité des préjudices y compris ceux non prévus par la loi (préjudice d’anxiété, aménagement du véhicule ou du domicile, déficit fonctionnel temporaire, recours à l’assistance d’une tierce personne…)
Sur la liquidation des préjudices :
S’agissant de la majoration de la rente, la CPAM est un tiers garant, elle verse l’indemnisation au salarié, et dispose d’une action appelée action récursoire à l’encontre de l’employeur afin de recouvrer sa créance.