La convention de forfait jour

I°/ Les salariés pouvant conclure une convention individuelle de forfait

                   Peuvent conclure une convention individuelle de forfait jours, sur l’année, les salariés suivants :

  • Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de la société, du service, ou de l’équipe qu’ils ont intégrés ;

  • Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être déterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leurs sont confiées.

La loi n°2008-789 du 20 aout 2008 a donc ouvert la possibilité de conclure des conventions de forfaits jours avec des salariés non-cadres, solution jusqu’à là réservée aux cadres autonomes.

Désormais donc, il est possible, pour deux catégories de salariés, de déroger aux règles légales sur la durée du travail.

Pour ces deux catégories de salariés, il appartient à la convention ou à l’accord collectif de déterminer quelles sont les catégories de salariés concernés. 

En cas de litige sur le bienfondé du recours à la convention de forfait jours, eu égard du poste occupé par le salarié, le juge doit vérifier l’adéquation de la convention par rapport au poste de travail (CCass., Soc., 16 mai 2007, RG n°05-43.643). 

                   Un salarié disposant d’une convention de forfait jours sur l’année n’est donc pas soumis à la durée légale hebdomadaire sur les 35 heures, ni aux durées quotidienne et hebdomadaires maximales de travail (art. L.3121-62 du Code du travail), ni aux dispositions légales relatives aux heures supplémentaires. Il reste cependant soumis aux normes légales en matière de repos, et notamment le repos hebdomadaire, en principe donné le dimanche.

                       II°/ Les conditions de validités d’une convention de forfait jours

                   Deux supports doivent exister au préalable avant la possibilité pour un employeur de soumettre son salarié à un forfait jours annuel : un accord collectif d’entreprise ou de branche, et une convention individuelle de forfait jours.

                   L’article L.3121-60 du Code du travail prévoit l’obligation pour l’employeur de s’assurer que la charge de travail du salarié soit raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail :

« L'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail."

C’est la raison pour laquelle l’article L.3121-64 du Code du travail l’accord autorisant le recours au forfait jours doit prévoir les modalités de suivi du temps de travail des salariés et les modalités selon lesquelles s’exerce leur droit à la déconnexion.

                   1°/ Sur le contenu de l’accord collectif d’entreprise ou de branche

                   Les forfaits annuels en jours sont mis en place par un accord collectif d’entreprise, ou à défaut par une convention ou un accord de branche. Celui-ci doit déterminer :

  1. Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait

  2. La période de référence du forfait

  3. Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours

  4. Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départ en cours de période

  5. Les caractéristiques principales des conventions individuelles qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours travaillés compris dans le forfait

  6. Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié

  7. Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise.

  8. Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

2°/ Sur le contenu de la convention individuelle de forfaits jours

                   La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié, il convient donc d’établir, par écrit, une convention individuelle de forfait.

                   Pour éviter toute difficulté, la convention de forfait doit reprendre l’ensemble des dispositions précitées. A minima, à défaut de stipulation de l’accord sur la charge de travail, une convention individuelle de forfait peut toutefois être valablement conclue si, en pratique :

  • L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaitre le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillés. Sous responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

  • L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaires ;

  • L’employeur organise, une fois par an, un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

                   Il découle de ces dispositions que, pour que la convention de forfait jours conclue entre l’employeur et le salarié, celle-ci :

  • Soit prévu par un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche (art. L.3121-63 du code du travail).

  • Qu’elle détermine le nombre de jours travaillés, sous peine de nullité (art. L.3121-55 du Code du travail).

  • Qu’elle fixe les modalités de communication périodique être l’employeur et le salarié, s’agissant de la charge de travail de celui-ci, de l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle.

                   Sur ce dernier point, plus précisément, il incombe à l’employeur d’organiser chaque année un entretien au cours duquel sont évoqués l’organisation et la charge de travail du salarié et l’amplitude de ses journées d’activité.

                   A noter également que, pour être valable, cette convention doit être écrite, à peine de nullité. En effet l’article L.3121-40 du Code du travail dispose que : « la conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit ».

                   Cet article est issu de la loi n°2008-789 du 20 aout 2008, étant précisé que la Haute juridiction a déjà jugé que la conclusion d’une convention de forfait nécessite l’accord du salarié concerné (CCass., Soc., 26 mars 2008, RG n°06-45.990).

                   Par conséquent, et même s’il résulte d’une convention ou d’un accord collectif que le poste occupé par le salarié concerné implique une convention de forfait jours, l’accord écrit de ce dernier est impératif.

                   Un tel accord ne saurait être tacite, ou déduit de l’absence d’opposition du salarié à la convention de forfait pendant plusieurs années.

                   Le salarié peut refuser l’application des stipulations de l’accord et la modification de son contrat de travail afférente dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle l’employeur l’a informé de l’accord et de son contenu (Art L.2254-2, IV° du Code du travail).

                   Le cas échéant, l’employeur dispose alors du délai de deux mois pour prononcer le licenciement, le refus du salarié s’analysant en un motif de licenciement sui generis qui emporte les mêmes conséquences qu’un licenciement pour motif personnel (Art. L.2254-2, V° du code du travail).

                       III°/ Sur le non-respect des conditions de validité de la convention de forfait jours

                   A défaut du respect de ces obligations, la nullité de la convention de forfait est encourue. La convention pourrait ainsi être annulée rétroactivement, elle serait dès lors réputée n’avoir jamais existée.

                   Serait donc appliquées les règles de droit commun concernant la durée du travail, de manière rétroactive.

                   Le salarié pourrait solliciter :

  •  Le paiement d’heures supplémentaires au-delà de la durée légale de travail sur les trois dernières années

  • La majoration des heures supplémentaires

  • Les contreparties obligatoires en repos

L’employeur pourrait de son coté solliciter le remboursement des jours de repos supplémentaires (RTT) dont le salarié a bénéficié en application de la convention de forfait annulée.

Rappelons qu’il résulte de l’article L.3171-4 du Code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Il est ainsi fortement recommandé à l’employeur de mettre en œuvre un dispositif de contrôle des heures et des jours travaillés par le salarié, afin de se prémunir de tout contentieux éventuel relatif au paiement d’heures supplémentaires.

L’article L.3171-4 du code du travail ajoute qu’au-delà des éléments fournis tant par l’employeur que par le salarié, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d’instruction qu’il jugera utile.

En tout état de cause, le salarié doit apporter la preuve qu’il a réalisé des heures supplémentaires. Attention, il est amplement admis, par la Cour de cassation, qu’un simple tableau, portant relevé des horaires du salarié, et même non accompagné d’élément justificatifs, suffit à établir l’existence des heures supplémentaires.

IV°/ Le suivi de la convention de forfait jours : impératif à la charge de l’employeur

Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Haute juridiction a jugé que lorsque l’employeur contrevient aux clauses d’un accord collectif organisant le contrôle et le suivi des conventions de forfait jours, ces conventions sont privées d’effet et le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

Dans cet arrêt, l’employeur en cause n’avait pas établi de document de contrôle faisant apparaitre le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou RTT, alors que l’accord collecti posait ces conditions.

La Haute juridiction a donc fait du respect du suivi de la convention de forfait jours une condition de sa validité.

L’employeur doit ainsi faire preuve d’une forte vigilance, tant sur les obligations mises à sa charge par la convention ou l’accord collectif régissant le forfait jours que sur l’application de ce forfait tout au long de l’exécution du contrat de travail.

A cet égard, outre les dispositions de la convention ou de l’accord collectif applicable, l’article L.3121-46 du Code du travail impose que le salarié titulaire d’une convention de forfait jours bénéficie d’un entretien annuel individuel portant sur sa charge de travail, sur l’organisation du travail dans l’entreprise, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération.

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